La nature de l’être humain est en chinois principalement désignée par le caractère xing 性 (caractère qui associe la clé du « cœur », xin 忄, avec le caractère « vie », sheng 生). Mais, de façon plus générale, xing 性 désigne ce qui est inné, ce qui relève du caractère originel d’un être. Cela renvoie dans la pensée chinoise ancienne à ce qui est attribué à la naissance à cet être par le ciel (tian天).
Se pose alors nécessairement la question de l’importance de l’acquis, ce qui vient s’ajouter à cette nature originelle. Quelle est la part de l’acquis sur nos orientations morales et quelle est l’utilité (ou l’inutilité) de cet acquis ? Cette double interrogation divise les différents enseignements de la pensée chinoise.
La prédisposition à la bonté
L’un des débats les plus anciens, et peut-être le plus fameux sur cette question, est celui qui opposa Mencius (Mengzi 孟子) et Xunzi (荀子). Héritiers de la pensée de Confucius, les deux penseurs divergent pourtant sur la question de la nature humaine.
Mencius estime de son côté que l’homme est naturellement prédisposé à la bonté. Il se revendique ainsi de la notion ren 仁, centrale chez Confucius, qui peut se traduire par « sens de l'humain », « bienveillance », « humanité ».
Pour parvenir à prouver cette prédisposition naturelle à la bonté, il part de la nature prise dans son ensemble (désignée dans la pensée chinoise ancienne par le terme ciel, tian 天) et affirme qu’elle ne peut être neutre ou inerte. Etant en mouvement, tendant vers quelque chose, la nature ne peut alors tendre que vers le bon : « Certes, l’eau ne fait pas de différence entre l’est ou l’ouest, mais en est-il de même du haut et du bas ? La nature humaine va au bien comme l’eau coule vers le bas. Il n’est d’être humain qui n’ait en lui la bonté, comme il n’est d’eau qui ne descende »[1]. Or, cela signifie pour Mencius que l’homme en tant que partie intégrante de la nature a des facultés naturellement saines. Cela ne garantit pas qu’il ne puisse pas faire le mal, mais ce mal n’est jamais lié à ses facultés innées : « Les tendances de notre nature peuvent toutes servir à faire le bien ; voilà pourquoi je dis que la nature est bonne. Si l’homme fait le mal, on ne doit pas attribuer la faute à ses facultés naturelles »[2].
Certes, Mencius admet que l’homme peut ignorer ou s’éloigner de cette prédisposition naturelle : « La bienveillance, la justice, l’urbanité, la prudence ne nous viennent pas du dehors, comme un métal fondu qu’on verse dans un moule. La nature les a mises en nous. Mais la plupart des hommes n’y prêtent pas attention »[3]. Mais ce qui lui donne la certitude qu’en tout homme réside une tendance à la bonté, c’est que personne ne peut supporter l’intolérable sans spontanément réagir. L’exemple connu de l’enfant qui va tomber dans le puits en atteste : « voici un exemple qui prouve ce que j’avance, à savoir, que tous les hommes ont un cœur compatissant. Supposons qu’un groupe d’hommes aperçoive soudain un enfant qui va tomber dans un puits. Ils éprouveront tous un sentiment de crainte et de compassion »[4]. Cette compassion spontanée (plus proche de la pitié rousseauiste que du devoir moral kantien) traduit donc un penchant pour la bonté, ce quelle que soit notre capacité à le refouler, voire à le trahir, au cours de notre existence.
D’où la question : comment se fait-il que, prédisposés ainsi, dotés de facultés naturellement saines, nous soyons capables de comportements pervertis ? A ce niveau, Mencius refuse de donner des points aux taoïstes qui affirment, on le verra, que les institutions et les rites nous éloignent de l’harmonie avec la nature, de l’union avec le Dao. Si, comme dit précédemment, il est possible d’ignorer les germes de bonté qui sont en nous, c’est qu’ils doivent être entretenus, cultivés justement. Filant la métaphore végétale, Mencius compare ainsi nos comportements à des sentiers que l’on entretient. Dès qu’on les délaisse, la mauvaise herbe les envahit : « Il est des sentiers de montagne qui par un usage fréquent, quoique momentané, deviennent des routes. Si elles ne sont plus utilisées pour un temps, l’herbe les recouvre. Tel est l’état de ton esprit et de ton coeur : bouchés par les herbes » [5]. La bonté est donc une disposition spontanée qu’il faut exercer, nourrir, sous peine de la voir recouverte par une couche d’ignorance et d’oubli, terreau privilégié pour les comportements nuisibles. Certes, la bonté restera toujours présente et prête à croitre en nous, mais tel un arbre que l’on couperait chaque jour, elle ne peut se développer si notre routine fait obstacle à son épanouissement[6].
Le véritable ennemi se trouve ainsi dans l’habitude, l’accoutumance à un certain type de conduite que nous finissons par oublier de questionner : « la plupart des hommes agissent sans savoir la raison de leur conduite. Ils ont des habitudes, et ils ne s’en rendent pas compte. Ils continuent ainsi toute leur vie, et ils ne savent pas pourquoi. »[7]
Affirmer que les comportements pervertis n’ont pas une origine naturelle, mais découlent d’une routine que nous installons en ignorant notre prédisposition à la bienveillance et à la bonté, permet à Mencius d’affirmer trois idées interdépendantes :
La nécessité de redresser le bois courbe
Xunzi (荀子) ne partage pas l’optimisme moral de Mencius. Tout en se revendiquant lui aussi de l’enseignement de Confucius, il refuse de voir dans les actions humaines une continuation directe de la part accordée par le ciel. Si le ciel produit les choses, c’est bien l’homme qui les organise et les ordonne. Le « ciel a ses saisons » et « l’homme son ordre » résume Xunzi[10].
A partir de ce postulat, Xunzi en déduit que, loin d’être naturellement disposé à la bonté, l’homme est doté d’une nature « mauvaise » (c’est d’ailleurs le titre du chapitre 23 de l’ouvrage contenant ses écrits : Xìng è 性惡, littéralement « nature mauvaise »). Mais précisons de nouveau qu’il n’existe pas dans la pensée chinoise ancienne d’équivalent du mal absolu des religions monothéistes. Ici « mauvaise » (è 惡) signifie que l’homme est naturellement déterminé par les penchants propres à tous les animaux (satisfaire sa faim, se protéger du froid, etc.). Ces passions animales amènent nécessairement les individus à des comportements égoïstes et nuisibles (lutte pour la survie) si rien ne vient les redresser : « Il est naturel à l’homme de pencher pour son propre intérêt, mais s’il suit ce penchant, les querelles et les spoliations fleurissent au détriment de toute courtoisie et humilité » [11].
C’est ainsi plutôt l’éducation qui amène l’homme à développer la bonté. Et la seule véritable disposition naturelle pour le bien réside selon Xunzi dans la faculté d’apprendre. Il n’est donc pas étonnant que les écrits de Xunzi commencent par une exhortation à l’étude : « Ainsi, le bois une fois rectifié au cordeau est-il droit et le métal, une fois aiguisé, est tranchant. De même, l’homme accompli qui s’adonne à l’étude et chaque jour examine par trois fois devient clairvoyant et avance sans faillir. »[12]
La nature de l’homme est donc tournée vers les penchants nuisibles et ce qu’il a de bon est fabriqué, artificiel. Il faut redresser par l’éducation permanente le bois courbe dont est fait l’homme. De ce fait, si Xunzi (en héritier de Confucius) partage avec Mencius un intérêt pour les rites, c’est pour leur donner une fonction bien plus centrale.
Ainsi, pour Mencius, le rite ne crée par la bonté, il sert à l’entretenir. Il doit donc être intériorisé de façon à permettre aux bonnes habitudes de prendre le dessus sur les mauvaises herbes. Mais il est essentiel pour cela que le rite soit en accord avec le cœur, l’intention morale de l’individu. Pour Xunzi, les rites sont conçus de façon plus performative. Ils orientent notre éducation et forgent nos comportements en les dirigeant vers le bien. Le « ciel a ses saisons » et « l’homme son ordre », or cet ordre vient des rites, de la ritualisation qui impose à la société un cadre au sein duquel chacun peut trouver sa place adéquate. Les rites, en permettant une juste répartition et une juste hiérarchie, préservent l’ordre et protègent l’homme du retour à la barbarie. C’est d’ailleurs là leur origine et raison d’être selon Xunzi, qui affirme que les rois de l’antiquité ont précisément inventé les rites pour établir un juste équilibre dans le système des besoins et préserver la société du désordre[13].
Le retour à notre nature originelle : faire un avec le Dao
Tout en se démarquant des héritiers de Confucius, le taoïsme et le bouddhisme se sont emparés de cette question pour y apporter des réponses originales.
De son côté, les fondateurs du taoïsme considère que les artifices des institutions et de l’éducation ne rendent pas l’homme meilleur, mais l’éloignent de sa nature originelle. Cette nature originelle ne peut être retrouvée qu’en épousant la spontanéité propre au Dao ici compris comme un principe indicible qui engendre toute chose.
Faire union avec le Dao réclame en effet de suivre le cours naturel des choses, ce qui va de soi. Cette idée « d’aller de soi » est exprimée par le terme ziran, littéralement traduit par « spontanément » ou « ce qui est ainsi par soi-même ». Ziran désigne en effet le fonctionnement naturel des choses, l’auto-production du Dao, « l’inépuisable force génératrice toujours présente en chaque chose à chaque moment »[14].
Or, pour s’identifier au ziran, à la spontanéité du Dao, il faut non pas forcer nos comportements en les éduquant, en les pliant aux contraintes institutionnelles, mais à l’inverse laisser le champ libre à ce qui s’impose par soi-même, suivre le cours naturel des choses. Telle l’eau qui, sans rien forcer, épouse toute aspérité et perdure, l’homme qui souhaite s’unir au Dao doit s’abstenir d’intervenir de façon brusque, se retenir de chercher à contraindre le réel. Ainsi, Laozi nous dit-il que l’homme accompli est comme l’eau, qui est bénéfique pour tous et rivale de personne[15]. Le Zhuangzi pour sa part nous invite à nager comme un poisson dans le Dao, c’est-à-dire à ne rien forcer plutôt que de chercher à remonter à contre-courant[16]. Dans les deux cas, il s’agit d’inviter à une insertion souple dans la dynamique des êtres et des choses[17].
Cette façon d’adhérer au ziran renvoie au « non-agir » (wu-wei 無為), thème central du taoïsme. Le « non-agir » ne consiste pas dans l’absence de toute action, mais dans le refus d’interférer, d’interrompre une dynamique, de transformer le réel de façon artificielle. Cette perspective repose sur l’idée que la volonté de forcer le passage entraîne son contraire dans la mesure où elle déséquilibre un ordre spontanément harmonieux.
Parmi les nombreuses illustrations données par le Zhuangzi de ce « non-agir », celle du vieil homme sorti de l’eau par Confucius et ses disciples est particulièrement évocatrice : Confucius était un jour en train d’admirer d’imposantes chutes d’eau. Soudain, il aperçoit un vieil homme dans les remous. Pensant qu’il s’agit d’un désespéré cherchant à se noyer, il donne ordre à ses disciples de le sortir de l’eau. Mais le vieil homme, loin d’avoir besoin d’aide, regagne tranquillement la rive. Confucius stupéfait avoue avoir d’abord cru être en face d’un être surnaturel et lui demande quelle est sa méthode (son « dao ») pour pouvoir nager ainsi dans les rapides. Le vieil homme répond « j’ai commencé avec ce qui m’était donné à l’origine, puis j’ai développé ma nature, jusqu’à rejoindre le destin. Je descends avec les tourbillons et remonte avec les remous. Je me plie au dao de l’eau, sans chercher à imposer ma propre volonté. C’est ainsi que j’arrive à nager si aisément dans l’eau. »[18]
Ce texte, certainement l’un des plus connus du Zhuangzi, est révélateur à plus d’un titre. Tout d’abord, il illustre parfaitement pourquoi le « non-agir » (et donc l’incorporation au ziran) ne consiste pas à ne rien faire, mais à ne rien forcer. Plutôt que d’interférer avec les obstacles dressés par le torrent, le vieil homme se laisse porter par le courant (au sens propre et figuré). Contre toute action volontariste, il s’insère dans les remous et tourbillons, fusionnant avec leur mouvement. Ensuite, il n’est pas anodin que ce soit précisément Confucius qui assiste à cette scène. Même si la figure de Confucius n’a pas toujours la même fonction dans le texte du Zhuangzi (la référence à Confucius étant omniprésente[19]), il est difficile d’oublier que Confucius et ses héritiers mettent en avant l’importance de l’éducation et de l’apprentissage. Or, dans le cas présent, c’est bien d’un désapprentissage dont il est question. Revenir à la spontanéité suppose d’oublier notre acquis éducatif pour se fondre dans le décor, fusionner avec les éléments.
Le message est donc clair, pour retrouver sa nature originelle et s’unir au Dao, la fabrique culturelle doit laisser place à une régression, au désapprendre. Loin de la discipline de l’étude et autres artifices institutionnels, il faut amoindrir notre volonté et notre capacité d’intervention. Comme le dit Laozi : « celui qui s’adonne à l’étude augmente de jour en jour, celui qui se livre au Dao s’amenuise de jour en jour. Il s’amenuise jusqu’à parvenir au non-agir. Une fois parvenu au non-agir plus rien ne lui est impossible. »[20] Et là où Mencius entrevoit la possibilité pour tout homme de devenir un saint (le sage incarnant les vertus confucéennes) en exerçant et en éduquant sa prédisposition naturelle à la bonté, le taoïsme propose en réponse un cheminement à rebours : quelles que soient les nuances, les figures récurrentes dans l’histoire du taoïsme de l’homme accompli ou parfait (le zhiren 至人), de l’homme vrai ou véritable (zhenren 至人) ou du saint (shengren 聖人)[21] correspondent à chaque fois à des êtres qui, à force d’avoir appris à oublier, à désapprendre, à se désenclaver des acquis sociaux et culturels, se sont fondus dans l’unité muette avec le Dao.
Cette conception de notre nature originelle ne signifie cependant pas que le taoïsme ait refusé de façon systématique les rites ou les institutions. De nombreux penseurs taoïstes ont occupé des hautes fonctions, conseillé des empereurs et, par ailleurs, les rituels religieux des écoles taoïstes sont évidemment une forme d'institutionnalisation. En revanche, si l'union mystique avec le Dao n'est pas incompatible avec la vie sociale, elle ne peut se trouver qu'en retrait de cette dernière et implique une forme de retour, de régression en-deçà des artifices culturels.
Retrouver la nature de Bouddha
Arrivé plus tardivement sur la scène, le bouddhisme chinois n’a pourtant pas manqué de se saisir des termes de cette discussion. S’il hérite du taoïsme, en ce qui concerne la perspective d’un retour à une nature originelle, et du confucianisme, en attribuant à ce retour une connotation morale, le bouddhisme chinois ne s’épuise pourtant pas dans une synthèse maladroite de ces deux enseignements. Il propose une lecture renouvelée et originale du problème à partir des caractéristiques du bouddhisme mahāyāna (principale source des écoles bouddhistes spécifiquement chinoises).
Cette lecture repose sur la notion de buddhatā, « nature de bouddha » (en chinois foxing 佛性), c’est-à-dire sur l’idée spécifique que le bouddha existerait dans tous les êtres. Ce qui implique que tout individu peut obtenir « l’illumination » lorsqu’il prend conscience de cette nature originelle présente en lui. Cette perspective constitue en effet l’horizon commun de la majorité des écoles chinoises du bouddhisme[22].
Dans ce cadre théorique, le problème est alors de savoir comment prendre conscience de cette nature originelle. La réponse qui est donnée par plusieurs maîtres est souvent en rupture avec l’érudition et la discipline d’apprentissage chères aux lettrés défendant l’héritage confucéen. Dans l’école Linji du bouddhisme Chan (禪) par exemple (fondée au IXe siècle par le moine Línjì Yìxuán 臨済義玄), prévaut un rejet du culte, des rituels, des discours au profit de méthodes d’ « éveil » bien plus directes. Parmi ces méthodes, on trouve la méditation bien sûr (le caractère chan 禪 est d’ailleurs une transcription en chinois classique du sanskrit dhyana souvent traduit par « méditation silencieuse »), mais également des techniques encore plus singulières. Linji tentait notamment de surprendre le disciple au moyen de cris, ou même de coups, afin de briser les barrières mentales des disciples pour les amener à une « illumination » instantanée.
La prise de conscience de cette « nature du bouddha » présente en nous, avec l’illumination qui en découle, se fait donc pour cette école de façon brusque, « subite », et en une seule fois. Ce retour à notre nature originelle se démarque à la fois des vertus confucéennes exhortant à l’éducation et du cheminement progressif vers la spontanéité et le non-agir mis en valeur par le taoïsme. Certes, toutes les écoles du bouddhisme chinois ne prônent pas un « subitisme »[23], mais la plupart insistent au moins sur le fait qu’il n’est pas nécessaire pour l’adepte de passer par de longues pratiques et plusieurs années (voire vies) d’ascèses pour parvenir à prendre conscience de notre véritable nature.
Une bifurcation éclairante
Cette discussion sur l’orientation de la nature humaine est donc révélatrice d’une interrogation commune aux trois enseignements : quel rapport au monde adopter pour parvenir à accomplir notre humanité ? Mais la réponse à cette interrogation témoigne de divergences profondes, qui tout en donnant parfois lieu à des connivences silencieuses, permet de mesurer l’écart entre les différentes approches. Le « saint » ne désigne pas le même type d’idéal pour chaque enseignement et le rôle de l’éducation ou des institutions peut être tantôt perçu comme nécessaire ou, au moins, bénéfique, tantôt comme inutile voire néfaste. Cela suffit à rappeler qu’à l’instar de la pensée occidentale ou arabe, l’histoire de la pensée chinoise n’est ni monolithique ni dénuée de tensions.
[1] Mencius, 孟子, 6. A.2. trad. André Levy. Précisons que « bon » est ici à comprendre au sens de qui est efficace et améliore les choses, l’idée du bien absolu (par opposition au mal, au sens conçu par le monothéisme par exemple) n’étant pas réellement présente dans la pensée chinoise ancienne.
[2] Mencius, 孟子, « 告子上 » Livre 6. A. Trad. S. Couvreur. Pour le texte original, voir https://ctext.org/mengzi.
[3][3] Mencius, 孟子, « 告子上 » 6. A., Trad. S. Couvreur.
[4] [4] Mencius, 孟子, « 公孫丑上 », 2. A. 6, Trad. S. Couvreur.
[5] [5] Mencius, 孟子, « 盡心下 », 7. B. 21, Trad. André Lévy.
[6] [6] « Comment ce qui reste au fond du coeur de l’homme pourrait être dépourvu de toute bonté et justice ? Ce qui lui fait abandonner sa conscience du bien, c’est l’équivalent de la hache ou de la cognée qui s’attaque aux arbres tous les matins : comment pourraient-ils rester beaux ? » Mencius, 孟子, « 告子上 » 7. A. 5. Trad. A. Lévy.
[7] [7] Mencius, 孟子, « 盡心下 », 7. A. 5. Trad. S. Couvreur.
[8] [8] Mencius, 孟子, « 告子上 » 6. A. 7. Trad. A. Lévy.
[9] [9] « S’il est des moyens auxquels l’homme ne recourt pas pour garder la vie, s’il est des actes qu’il ne commet point pour esquiver un risque mortel, c’est qu’il existe des choses plus désirables que la vie, plus détestables que la mort. Ce ne sont pas seulement les sages qui sont dotés de cet état d’esprit, nous l’avons en chacun, mais seul le sage est capable de l’empêcher de dépérir.
Une barquette de nourriture […] vous sauverait la vie, en être privé signifierait la mort : comme on les donnait en rudoyant les miséreux, un réfugié affamé les refusa. Si vous les donniez après les avoir piétinés, le plus pauvre des mendiants n’y toucherait pas. », Mencius, 孟子, « 告子上 », 6. A. 10.
[10] [10] 荀子, 《天論», Xunzi chap. 17, "Du ciel"), Pour le texte original voir : https://ctext.org/xunzi/tian-lun .
[11] [11] 荀子, 性惡 (Xunzi, chap. 23, "La nature humaine est mauvaise", trad. Ivan Kamenarovic). On a souvent comparé l’écart entre Mencius à Xunzi à celui qui existe en occident entre Rousseau et Hobbes. S’il faut toujours rester prudent avec ce genre de parallèle, il est vrai que si la disposition à la bonté chez Mencius n’est pas sans similarité avec la « pitié » rousseauiste, les penchants naturellement égoïstes décrits par Xunzi ne sont pas à leur tour sans évoquer la façon dont Hobbes conçoit l’homme à l’état de nature, animé par les passions (dans les deux cas, il ne s’agit pas d’un mal absolu, mais de l’effet d’un déterminisme naturel).
[12] [12]荀子, « 勸學 » (Xunzi, chap. 1, "De l'exhortation à l'étude", trad. Ivan P. Kamenarović).
[13] [13] 荀子, 《禮論 » (Xunzi, chap. 19, "De l'esprit rituel", trad. Ivan Kamenarovic) : « D’où proviennent les Rites ? La réponse est que les hommes naissent avec des désirs. Ces désirs étant insatisfaits, il ne peut pas ne pas y avoir d’exigences. Ces exigences étant sans retenue, sans mesure, sans partage et sans limites, il ne peut pas ne pas y avoir de conflits. Or, les conflits engendrent le désordre et celui-ci la misère. Les Anciens Rois, par aversion pour un tel désordre, créèrent les Rites et l’équité des devoirs rituels afin de procéder à des répartitions, de satisfaire aux désirs des humains de répondre à leurs exigences. »
[14] [14] I. Robinet, La pensée chinoise, dir. Sylvain Auroux, PUF, 2017, p. 291.
[15] [15] 道 德 經, Dao de Jing, § 8. « L’homme d’excellence est comme l’eau, bénéfique pour tous, et ne luttant contre personne » (« 上善若水。水善利萬物而不爭 »).
[16] [16] 莊子, Zhuangzi,VI, « Les poissons naissent et vivent dans l’eau, dit Confucius, comme les hommes naissent et vivent dans le Dao. Pour les êtres qui vivent dans l’eau, il leur suffit de fouiller la vase pour trouver leur nourriture. Pour les êtres qui naissent et vivent dans le Dao, il leur suffit de s’abstenir de poursuivre un quelconque but particulier pour que leur vie suive tranquillement son cours » (traduction librement adaptée de différentes traductions récentes – anglaises et françaises). Pour rappel, le Zhuangzi est le texte éponyme attribué par la tradition à l'auteur Zhuangzi (voir le glossaire pour les détails). Pour le texte original, voir le passage n° 6 de la page suivante : https://ctext.org/zhuangzi/great-and-most-honoured-master .
[17] [17] Cette récurrence de la métaphore de l’eau n’est évidemment pas une coïncidence. Comme le souligne Anne Cheng, « la métaphore de l’eau est sans doute […] la plus apte à évoquer le Dao : l’eau suit un cours naturel qui épouse les reliefs au lieu de chercher à les modifier, alors que l’homme n’a de cesse d’y résister ou d’y faire barrage : par les institutions, par le langage, par tout ce qui tend à fixer des normes, à imposer des cadres permanents » (in Histoire de la pensée chinoise, Seuil, 1997, p. 126).
[18] [18[]莊子 – Zhuangzi, XIX, traduction librement inspirée de plusieurs traductions (pour le texte original voir le passage n° 10 de la page suivante https://ctext.org/zhuangzi/full-understanding-of-life ).
[19] [19] Sur cette question des différentes fonctions de la figure de Confucius dans le Zhuangzi, voir Le petit monde du Tchouang-tseu, chap. 1, « Confucius ou la pédagogie », éditions Philippe Picquier, 2010.
[20] [20] 道 德 經, Dao de Jing, § 48. Traduction librement inspirée de plusieurs traductions. Pour le texte original voir le § 48 de la page suivante : https://ctext.org/dao-de-jing .
[21] [21] Parfois les trois termes sont tenus pour synonymes. Mais chez certains auteurs taoïstes, ils correspondent à une hiérarchie dans l’accomplissement spirituel.
[22] [22] A savoir notamment l’école de la terre pure (Jinglu 净土), l’école Tiantai (天台,Tiāntái), l'école Huayan (華嚴 huáyán) et l’école Chan (禪). Voir sur ce point notre glossaire (bouddhisme chinois).
[23] [23] Même si elle a pu être exagérée par la postérité, une querelle a opposé au VIIe siècle le « chan du Sud » (représenté entre autres par Huìnéng 惠能 et Shen-hui 神會), qui prônait la perspective d’une illumination subite, et le « chan du nord » qui estimait qu’il fallait de nombreuses années d’ascèse pour parvenir graduellement à l’éveil. Cette discussion entre « subitistes » et « gradualistes » restera fameuse dans l’histoire de la pensée chinoise.